L’explosion du langage

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Plus le temps passe et plus certains aspects de la pédagogie de Maria Montessori me déplaisent (et j’en ferais un article le jour où j’arrive à formuler ma pensée) mais je trouve tout de même ses travaux fascinants : ce qu’elle dit est parfois si simple que ça paraît comme une évidence. (Mais, pourtant il suffit de regarder comment fonctionne la société pour comprendre que ça ne l’est pas pour tout le monde).

Ainsi, sans appliquer la pédagogie Montessori à 100% à la maison, j’ai fait miennes sans aucune difficulté certaines valeurs très montessoriennes comme la recherche de l’autonomie de l’enfant ou encore le respect de ses périodes sensibles.

Et aujourd’hui, le Lardon est si clairement dans une de ces périodes sensibles que j’ai eu envie de me replonger dans les écrits de Maria Montessori.

Les périodes sensibles

Une période sensible est une période limitée dans le temps pendant laquelle, l’enfant est complètement (et inconsciemment) tourné vers un et un seul aspect de son environnement.

Pendant ces périodes, l’enfant peut acquérir et construire des apprentissages avec une facilité à en faire pâlir d’envie n’importe quel autre adulte ! Il est tout simplement inutile de vouloir lui apprendre autre chose que ce qui l’intéresse ; en revanche, ce qu’il absorbe pendant sa période sensible est un apprentissage garanti à vie !

Maria Montessori dénombrait six périodes sensibles différentes : le langage, la coordination des mouvements, l’ordre, le raffinement des sens, le comportement social et enfin les petits objets. Pour chacun de ces apprentissages, il n’existe aucun calendrier prédictible : l’enfant s’y intéressera, à son rythme, quand il sera prêt.

La période sensible du langage

Chaque période sensible identifiée par Maria Montessori désigne en fait plusieurs périodes temporelles qui se prolongent sur des mois ou des années.

Pour le langage par exemple, l’enfant l’acquiert et le développe grâce à de nombreuses étapes : d’abord la découverte de la musicalité de la langue, puis la compréhension orale, ensuite la locution, plus tard la lecture, et enfin l’écriture… Ainsi, pendant ses six premières années, l’enfant va devenir très sensible au langage pendant quelques jours/semaines avant d’alterner avec autre chose, y revenir, etc.

À la maison, je me souviens du moment où j’ai réalisé que le Lardon comprenait tout ce qu’on lui disait, presque comme si c’était venu du jour au lendemain. Et aujourd’hui, plusieurs mois plus tard, il est difficile d’ignorer qu’il est à nouveau en pleine période sensible du langage, et plus particulièrement l’étape de l’explosion du langage. Chaque jour, le Lardon répète cinq, dix, quinze nouveaux mots (pendant les fêtes il a donc appris à dire pinard et picon, merci la famille :D) et commence à faire des phrases plus complètes et plus abouties. C’est assez incroyable de voir la facilité avec laquelle il retient un nombre incroyable d’informations !

Les observations de Maria Montessori prennent alors tout leur sens : par exemple, elle insiste sur le fait qu’espérer apprendre à un enfant des compétences qu’il acquerra tout seul en temps et en heure n’est absolument pas productif. Et je ne peux m’empêcher de penser aux longs mois où l’unique mot du Lardon était « Boba ». À longueur de journée, Boba servait de question, d’affirmation, de nom ou d’adjectif. Et certaines personnes, bien intentionnées mais perdant complètement leur temps, tentaient de lui « apprendre » le bon mot : « Mais non, c’est pas un boba, c’est un ballon/un radiateur/un pigeon » alors qu’il n’en était pas du tout là.

Naturellement, ça fait réfléchir : si la compréhension et la verbalisation se fait souvent dans le cadre familial, au rythme de l’enfant, il n’en est pas de même pour l’apprentissage de la lecture ou de l’écriture. Pourquoi à l’école, on demande à tous les enfants d’apprendre à lire ou à écrire en même temps ? Ces apprentissages seraient tellement plus rapides, simples et efficaces s’ils étaient fait au rythme d’un enfant demandeur… Mais, c’est un tout autre sujet…

Accompagner son enfant

Pour en revenir au langage, comme à chaque grosse étape du développement du Lardon, je ne peux m’empêcher d’avoir envie de l’aider et de l’accompagner. Heureusement, là, c’est plutôt facile.

Parler précis

C’est le moment ou jamais de ressortir les imagiers et les livres promenades même si en vérité, c’est dans le monde réel plus que dans les livres que le Lardon semble préféré construire son langage !

Alors, et c’est le plus difficile, j’essaye de bannir de mon langage les mots hasardeux : truc, machin, chose, adieu ! J’essaye de parler précisément de ce que je vois, et ça n’est pas toujours facile (La moitié de ses cubes sont en fait des prismes triangulaires ou rectangulaires ; le pshiit-pshiit qu’il affectionne tant est en fait un spray ou flacon vaporisateur si on veut éviter les anglicismes…)

Se retenir de corriger les erreurs

L'explosion du langage

À l’époque ou le vocabulaire du Lardon se limitait à l’unique Boba, nous ne le reprenions pas : il était en train d’appréhender le principe de la conversation, de la communication. Les questions de vocabulaire n’étaient pas encore sa problématique du moment.

Boba ?

– Oh oui, c’est une voiture !

Et aujourd’hui, nous appliquons naturellement la même philosophie quand sa prononciation est encore hasardeuse. Je ne me vois pas lui dire « Mais non enfin, ce n’est pas auvoir c’est au-re-voir. Répète après moi : AU-RE-VOIR ». Son oreille arrivera suffisamment bien à faire la différence, et avec le temps il améliorera sa prononciation. Dans Les apprentissages autonomes, John Holt donne d’ailleurs plusieurs raisons pour lesquelles corriger les erreurs des enfants est inutile.

Nous donnons à l’enfant toute l’aide dont il a besoin simplement en utilisant le langage nous-mêmes. Il n’est pas nécessaire d’enseigner ou de corriger pour l’aider à apprendre. Il est toujours mieux pour l’enfant de réussir à comprendre quelque chose de lui même plutôt que de recevoir une explication.

— John Holt

Ainsi, quand il prononce « mal » un mot donc, je me contente simplement de le répéter correctement. Parfois, il entend la nuance et essaye de répéter comme il faut. D’autres fois, il se contente d’un « mhh » comme pour dire « oui oui, c’est bien ça que je voulais dire ».

 

Mais quelle fierté de le voir avoir ses premières conversations avec d’autres enfants, chez nos amis ou au parc ❤ (J’espère juste qu’il ne leur propose pas un petit verre de pinard ou de picon !)

11 réflexions sur “L’explosion du langage

  1. GrandCoeur_Evinrude dit :

    C’est vrai que c’est tentant (et rassurant) de vouloir que ses enfants suivent des étapes de développement bien définies… alors qu’il suffit de les laisser vivre, et le développement se fera ! Je suis aussi d’accord avec l’idée qu’il ne faut pas corriger les erreurs des enfants. Répéter correctement, ça suffit. Je sais que les comparaisons apprentissage d’une langue maternelle/apprentissage d’une langue seconde (troisième, quatrième) ont leurs limites mais il y a beaucoup d’apprenants qui assimilent très bien quand on se contente de répéter correctement un mot ou une structure. Pas besoin d’enseigner la grammaire, en quelque sorte. Tu évoques la question de l’école, oui, c’est un problème, parce qu’à l’école tous les élèves sont à la même enseigne. A moins d’avoir les moyens (de se donner les moyens, pardon) d’un enseignement à la Céline Alvarez, mais on peut toujours rêver pour que ce type d’école se répande…

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    • chutmamanlit dit :

      Oui, la grammaire est encore un exemple de ce que les enfants apprennent seuls, simplement en écoutant ! Après, ça peut être intéressant de décortiquer pour comprendre comment ça se passe derrière, mais pffff, j’en ai des frissons rien qu’en repensant à cette matière à l’école…

      Avoir les moyens / Se donner les moyens : éternel débat ! D’un point de vue individuel, oui, en se donnant les moyens, on peut peut-être offrir à son enfant une éducation différente. Mais au niveau de la société, comment offrir ça à tous les enfants, même ceux dont les parents ne se sont pas posés la question ? Aaah, encore une question qui me taraude !

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  2. floratoutin dit :

    Bonjour, permettez moi d’aborder le côté rigide dont vous parlez 🙂
    Si l’on souhaite appliquer Montessori à la maison, elle doit s’ajouter à nos valeurs, à nos propres passions, à notre façon de voire les choses et ne doit pas s’imposer mais compléter nos idéaux. Par contre si on parle d’une école, en effet il y a de nombreuses règles, beaucoup de limites dans la pédagogie Montessori et son matériel, mais c’est ce qui permet aux enfant de pouvoir avoir une grande liberté, libre de se mouvoir, de s’exprimer, de travailler en toute autonomie et libre de se consacrer à ce qui les passionne le temps qu’il faut. 🙂 Les enfants ont besoin d’un cadre précis pour pouvoir y évoluer en toute liberté et sécurité… Je conseille vivement aux gens qui se posent ces questions ou qui ont des aprioris à venir visiter une école Montessori voire à faire une matinée d’observation pour mieux se rendre compte de la réalité. Ce sont des lieux pleins de vie, où les enfants sont heureux et épanouis 🙂

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    • chutmamanlit dit :

      Merci d’être venu me répondre ici ! Du coup, je ne sais plus où moi même répondre : ici, ou sur votre article La méthode Montessori ne fonctionne pas avec tous les enfants https://enconfianceavecmontessori.com/methode-montessori-fonctionne/ 😀

      Je n’ai eu l’occasion d’observer ce qui se passe dans une école Montessori qu’à travers des films mais je n’ai aucun doute que ce soient des lieux pleins de vie 🙂
      Mais cela ne m’empêche pas de m’interroger sur mes valeurs et ce que je veux transmettre : je me retrouve beaucoup plus dans le joyeux bordel qu’est le jeu libre (où l’on peut utiliser et détourner le matériel selon son envie) que dans la rigidité (pourtant structurante et rassurante) de la pédagogie Montessori.

      Et une autre question qui me vient est : peut-on faire un peu des deux ? Où cela manquerait justement trop de cohérence ?

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  3. floratoutin dit :

    En effet je pense qu’il faut des deux !!!!!!! 😀
    Il faut faire la différence entre école Montessori et approche Montessori à la maison ! à moins que l’on ne fasse l’IEF version Montessori mais dans ce cas il est préférable d’avoir des plages de travail de 2 à 3 heures pour les petits et le reste de la journée il faut en effet qu’il y ai des sorties, du jeux libre, des jeux de société etc… 🙂

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