L’autre soir, je couchais le Lardon. Il avait envie que je reste un petit peu avec lui : « Mets-toi là maman » m’implora-t-il en me montrant son oreiller. Alors, je me suis contorsionnée pour me glisser dans son lit, et je me suis allongée à côté de lui. Nos visages étaient à quelques centimètres l’un de l’autre, et on s’est regardés, sans rien dire, pendant de long instants.
Immédiatement, cette scène m’a ramenée en arrière.
Nous sommes le 5 mars 2016. Le Lardon a dix heures de vie. D’ailleurs, à ce moment là, il n’est pas encore le Lardon. Il n’a pas encore de surnom. Il faut dire que son papa et moi venons de découvrir depuis seulement quelques heures son prénom, parmi les deux que nous avions choisis. Je prends d’ailleurs un immense plaisir à m’écouter le prononcer : il est simple, il est doux. Je le teste, en parlant, en chantant. Est-ce qu’il lui va bien ? Oui, il me semble.
Je suis donc une maman-depuis-dix-heures, avec mon fils. Ce petit bébé est d’ailleurs si nouveau qu’à ce moment là, je ne pensais même pas à lui en terme de « fils ». (Ce n’est que le lendemain que ça m’a frappé, quand quelqu’un m’a demandé « C’est votre fils ? » Pardon ? Comment ça mon fils ? J’ai un fils, moi ? Oh mais oui, j’ai un fils ! Ce bébé, qui est là, c’est mon fils ! À moi ! Et je suis ça mère !) (Pour l’instinct maternel, on repassera…).
Je suis donc là, seule dans la chambre, avec ce bébé que je ne connais pas encore très bien. Le BienJoliPapa vient de repartir pour rentrer à la maison. (La maternité où j’ai accouché n’accueillait pas les papas le soir, et sur le coup, je crois que ça nous a paru normal). Je n’ai pas vraiment de souvenirs de cette première nuit et je ne me souviens plus vraiment de mon état d’esprit à ce moment là. Étais-je inquiète quand le BienJoliPapa est parti ? Étais-je encore fatiguée de l’accouchement ? Ou bien heureuse et sur un petit nuage ? Le bébé dormait-il ? A-t-il beaucoup pleuré dans la nuit ? D’ailleurs, ai-je dormi entre les courbatures de l’accouchement et les douleurs des suites de couches ? Rien n’y fait, plus j’essaye de revivre cette première nuit, moins j’y arrive : je ne me souviens de rien. Sauf d’un moment très particulier.
Ce moment où j’ai pris le bébé de son petit berceau en plastique, et je l’ai posé à côté de moi dans mon lit d’hôpital. En ce faisant, je crois que j’avais peur de beaucoup de choses : de m’endormir, de le faire tomber, de l’écraser, de ne pas faire comme il faut, de me faire gronder par une sage-femme qui passerait par là.
Mais je me suis contorsionnée pour me glisser dans le lit, et je me suis allongée à côté de lui. Nos visages étaient à quelques centimètres l’un de l’autre, il a ouvert ses grands yeux, tout noirs, et on s’est regardés, sans rien dire, pendant de longs instants.
Alors, je me suis présentée. Je ne sais plus trop ce que je lui dit, sûrement que j’étais sa maman, et que j’allais m’occuper de lui. Peut être qu’il était beau ou que je l’aimais, je ne sais plus. Je me souviens seulement de ses grands yeux noirs, à quelques centimètres de mon visage. Je me souviens qu’il m’observait intensément, comme s’il semblait se dire : C’est donc toi ma vie maintenant ? C’est toi cette voix que j’ai entendu tout ce temps quand j’étais in-utero ? Et je me souviens que pendant ce moment, complètement hors du temps, une vague d’amour m’a traversée. Je crois que c’est à ce moment là que j’ai compris ce qu’était l’amour inconditionnel.
Deux ans, quatre mois et quelques jours plus tard donc, nous nous observons à nouveaux les yeux dans les yeux. Je repense à notre première nuit et je constate que rien n’a vraiment changé : il a toujours ses grands yeux noirs qui me regardent intensément et son visage concentré. Je me demande s’il se souvient comme moi de cette première nuit, s’il pense à mon amour inconditionnel.
Et puis, il sort sa petite main de sous la couverture, la glisse sous mon menton, et commence à me chatouiller. « Guilli guilli guilli » s’esclaffe-t-il, complètement rigolard.
Ah oui, j’oubliais. Le Lardon a maintenant deux ans : l’amour inconditionnel il trouve ça chouette, mais pas autant que chatouiller sa mère, car, ça c’est quand même vachement plus drôle ! 😂
Oh, c’est si doux… merci pour ces précieux moments partagés 🙂 Je viens de me rappeler que tu avais ce blog et je l’ai enfin rajouté à mon lecteur de flux RSS alors que tu m’en a parlé il y a des mois déjà ! Je suis contente de le découvrir par cet article =) Ce sont mes lectures de blog préférées je crois, les capsules de forts moments de vie ❤
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Héhé, ça me fait plaisir que tu sois arrivé sur cet article, il m’est beaucoup clairement beaucoup plus précieux que d’autres !
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Merci pour ce doux et intense partage
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Merci de prendre le temps de le lire, et de laisser un petit mot 🙂
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Mais tu fais chialer ! Eh oh !
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Pour dédramatiser la situation : guiliguiliguili !
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Ouah c’est à la fois super émouvant et super drôle. Un bel instant de complicité et d’amour maternel 😍. Ps: t’inquiète l’instinct maternel il n’est pas tjs là au début, il vient au fur et à mesure avec le bebe!! Enfin pour moi 🙂 —
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Je me rends compte que je n’avais même pas répondu aux commentaires. Merci tout plein, émouvant et drôle, c’est un beau combo je trouve (comme mon fils !).
(Et oui, je suis bien d’accord, l’instinct maternel – ou parental – vient avec le temps, mais ouf, il arrive !)
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J’ai vécu une scène un peu similaire il y a peu, les yeux dans les yeux, nos regards qui ne se lachaient pas, exactement comme ses premières minutes quand il est né, quand le monde s’est arrêté de tourner. On se connaissait déjà tant et pourtant si peu, mais on se voyait pour la première fois et c’était magique. J’adore tellement ces moments !
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Et c’est précieux de les noter car des années plus tard, c’est vraiment plus dur de s’en souvenir !
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Les premières heures de vie et les premiers regards sont des instants inoubliables. J’aimerais les revivre, car ils sont très intenses et font partie des meilleurs. Votre article m’a fait repenser à ces moments avec mes bébés 🙂
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