J’avoue tout : j’ai une très forte #passionPrénom : impossible de m’annoncer une naissance (même du lointain cousin du frère de ton collègue) sans que je demande le prénom du bébé. Puis le prénom de ses frères et soeurs. Ensuite, pour faire bonne mesure, je demande quand même « Et tout s’est bien passé ? » (avec un réel intérêt ceci dit : j’ai aussi une passion pour les récit d’accouchements, mais c’est hélas plus délicat de demander des détails…).
Alors quand, il y a deux ans, j’ai découvert par hasard à la bibliothèque ce petit livre, Sociologie des prénoms, j’ai été enchantée : tout ce que j’aime ! De la sociologie ! Des prénoms ! J’ai trouvé ce bouquin fascinant de bout en bout même si je suis un peu triste de l’avoir lu après avoir nommé mon Lardon. Pas parce que son prénom aurait été différent, mais juste pour comprendre comment nous avons tendance à choisir.
Et comme il se trouve, qu’en ce moment, nous avons non pas un mais DEUX prénoms à trouver (on n’attend pas des jumeaux hein, on garde juste la surprise du genre), j’ai eu cruellement envie de relire ce livre. Sauf qu’entre temps, j’ai déménagé, et il n’est pas disponible dans ma nouvelle bibliothèque. Alors pour me mettre quelque chose sous la dent, j’ai fait des recherches sur l’auteur, Baptiste Coulmont, et ainsi découvert qu’il est génialement taré : il tient un blog, dont pas moins de 151 articles sont consacrés aux prénoms ! (il y a aussi 267 articles intrigants sur la sociologie de la sexualité mais je n’ai pas encore eu le temps de les lire, ne me spoilez pas !). Je vous propose un petit melting pot :
Les prénoms à la mode
- Les prénoms populaires (toi, y avait combien de Julien et d’Émilie dans ta classe ? Et aujourd’hui, tu connais combien d’Emma et de Hugo ?) évoluent avec le temps, mais combien exactement ? La réponse se trouve dans La demi-vie du « Top 20 » (et si tu as la flemme de lire, c’est 10 ans).
- Dans les Modes bourgeoises, il étudie les prénoms donnés dans les milieux privilégiés. J’en fais clairement partie puisque sur les 40 prénoms à la mode, je ne connais pas loin d’une quinzaine d’enfants nommés de cette liste.
- Baptiste Coulmont a aussi étudié les groupes de prénoms dans Namyboo… et recommander des prénoms : par exemple, les futurs parents qui apprécient le prénom Loana n’apprécient pas tout à fait les mêmes prénoms que les parents qui sont fans de Quitterie, Amicie ou Guillemette. Voilà une ressource précieuse quand on veut trouver un prénom pour le suivant d’une fratrie !
- Dans Les prénoms mixtes, Baptiste Coulmont montre que les prénoms mixtes sont en forte augmentation depuis 1980 (Ce qui me rappelle un faire-part qu’a reçu ma mamie, annonçant la naissance Louison : le faire-part n’étant absolument pas genré, je ne sais encore pas aujourd’hui si le bébé était une petite fille ou un petit garçon. Génie non ?). Dans Épicène, le sociologue étudie si ces prénoms mixtes sont plus souvent des prénoms de filles, de garçons ou vraiment paritaires.
- À chaque région son prénom. En tout cas, c’est ce que semble démontrer Prénoms typiques : les Klervi naissent en Bretagne, les Luna sur la côté basque et les Giulia prêt de l’Italie quand dans le centre de la France, on trouve plus de Justine ou de Rémi.
Un prénom, reflet d’une personne
- Comment se répartissent les résultats au bac des personnes qui portent votre prénom ? Baptise Coulmont répond à cette question sur ce site qui vise à montrer que les prénoms peuvent constituer de puissants indicateurs de position sociale. En effet, un prénom donne énormément d’indice sur la personne qui le porte : son âge (Léo et et Philippe ne sont probablement pas de la même génération), son sexe (Maxime est très probablement un garçon) mais aussi l’origine sociale et géographique de ses parents. Cette étude a d’abord été pensée pour proposer un outil d’anonymisation (ainsi, dans une interview, on pourra remplacer les propos d’une Emma par une Louise sans perdre de sens). Mais là où c’est moche c’est de réaliser qu’une « simple » étude statistique sur les notes du bac suffit à montrer les différences sociales entre Yacine, Thanh et Louis. Ça veut dire beaucoup sur les nombreuses inégalités de notre système scolaire (ou système tout court…). En donnant mon prénom à l’outil, impossible de cacher mon origine sociale clairement privilégiée (et coucou aux Bénédicte et Lauren ayant le même profil social que moi).
- Et après le bac ? Dans Sébastien le boucher, Mohamed le taxi, Baptiste Coulmont a analysé une base de données d’entrepreneurs français. Il a par exemple recherché les prénoms les plus fréquents par secteurs d’activités : Jean, Marie et Nicolas un peu partout mais il repère aussi des “Mohamed” à la tête des entreprises de “Transports terrestres et transport par conduites” et de “Poste et courrier”. Ça m’a d’ailleurs rappelé cette étude qui montrait qu’il y avait plus de PDG s’appelant David que de femmes PDG : Fewer Women Run Big Companies Than Men Named John.
Est-ce qu’appeller notre enfant à venir Garance ou Théophile l’aidera à mieux réussir scolairement ? Évidemment que non, mais en revanche, ça voudra dire beaucoup sur cet enfant, et ainsi sur nous, ses parents.
Un prénom, reflet d’une société
- Les garçons sont-ils plus intelligents que les filles ? C’est ce que Baptise Coulmont aurait pu penser quand il a réalisé qu’à notes égales, les garçons sautent plus souvent une classe que les filles. Mais il en a plutôt conclu que « décidément, les avantages masculins commencent tôt dans la vie. » Sujet qu’il avait déjà abordé dans Sauter une classe, une affaire de classe (mais pas que) : tous les milieux sociaux ne valorisent pas autant l’avance et la précocité et les garçons sont plus facilement jugés suffisamment “intelligents/mûrs/compétents…” pour sauter une classe que les filles.
- La fréquence des prénoms est-elle sensible aux événements ? Dans Charlie marqueur événementiel, Baptiste Coulmont semble penser que oui. Il analyse le nombre de Charlie né(e)s en janvier-février 2015 suite aux attentats et rappelle que le choix d’un prénom en hommage n’est pas nouveau : en 1915, suite aux exploits militaires du général Joffre, bon nombre de petits Joffre et Joffrette sont né(e)s. Il en avait aussi parlé dans Des « Baby Barack » il y a 10 ans. Mais au fait, les Noël naissent-ils à Noël ? Baptiste s’est posé la question, et la réponse est : oui, bien souvent. (D’ailleurs, j’ai connu deux frères étant nés tous les deux le jour de Noël : le premier s’est effectivement appelé Noël, et le deuxième… bah non, c’était déjà pris).
- Qui sont les personnes que l’on désigne par leur prénom plutôt que leur nom complet, ou leur grade ? Dans Ségolène, Marine et les autres…, Baptiste étudie l’utilisation du prénom dans la sphère politique. Il avait fait un exercice similaire dans le monde de la recherche dans son article Le petit peuple où il remarquait que dans les enquêtes sociologiques, les personnes importantes sont plus souvent désignées par leur fonction (« le directeur » ou « le manager ») quand les personnes dominées seront désignées par un prénom (« Fatima » ou « Dylan »).
Fascinant non ? Merci Baptiste (tu permets que je t’appelle par ton prénom maintenant ?) pour toutes ces analyses passionnantes ! Je n’avais pas été aussi heureuse que depuis que j’avais trouvé 70 ans de prénoms en France et passé des heures à jouer avec !
C’est vrai que le choix d’un prénom c’est important pour un enfant, quand je vois certains prénoms un peu loufoques que peuvent avoir certains enfants (coucou la ligue de l’état civil!) ça fait parfois peur. Mon fils a un prénom très classique qui est porté par un célèbre joueur de foot, eh bien j’ai des amis qui ont cru qu’on l’avait prénommé ainsi en rapport avec ce joueur alors qu’en fait, non vu que nous ne sommes pas fans de foot. On pensait plus à des personnages historiques, écrivains ainsi qu’à des Saints qu’à ce joueur !. Le livre dont tu parles semble très intéressant, ça me donne bien envie de le lire.
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Oui mais c’est ça que je trouve intéressant : les prénoms qui font peur aujourd’hui seront peut être classiques demain et très révélateur d’une époque. Notre Lardon aussi a un nom de personne célèbre, les gens y pensent souvent même si au final c’est plutôt la sonorité qui nous a plu.
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Tu crois que Nutella ou Djay-Z seront à la mode dans 20 ans? (c’est ironique). Après lorsqu’on voit que des prénoms donnés à l’époque à nos grands parents comme Louise ou Marcel reviennent à la mode, why not ^^.
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Dans le livre, il y a un passage sur le moment où les prénoms reviennent à la mode 😁
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Ah ! Alors nous on a tellement galéré pour trouver les prénom de nos enfants qui nous plaisent à tous les deux que l’on a pas été plus loin 😉
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Haha c’est bien vrai ici aussi ! c’est pour ça que je pense qu’avoir lu le livre avant n’aurait rien changé ! En vérité, il ne parle pas de comment choisir un prénom mais pourquoi on a tendance à choisir ceci ou cela.
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On sent que le mec il tient un sujet qui le passionne XD Et toi aussi!
Nous on a opté pour des prénoms très populaires, qui socialement doivent nous situer dans la tranche classe moyenne, amateur de foot. Mais on les aime ces prénoms, qu’est ce que tu veux (et c’est peu dire puisque mon cadet porte un prénom assez fréquent, et tout les gens que je connais et qui portent ce prénom ne sont pas super, ben j’ai décidé de passer outre).
Sinon chez nous on avait un livre des prénoms qui te racontait un peu la personnalité de celui qui le porte (on est d’accord, c’est bateau). Un jour on est retourné chez ma mère et on l’a retrouvé, on a naturellement regardé ce qui caractérisait nos enfants et ce qui nous décrivait nous. En général, les portraits sont un peu mitigés, gentil mais paresseux, extraverti mais égoïste…sauf pour mon chéri où il n’y avait aucune chose positive. On s’est bien moqué de lui et se sa fourberie (c’est le bouquin qui le dit). Le pire, c’est que quelques jours plus tard, on est allé chez mes beaux parents, ses propres parents, et qu’on a découvert ce même livre! Il sont donc totalement responsable de la vilainie de son être!
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Héhé oui sa passion fut communicative pour moi 😅 Bravo d’avoir réussi à passer outre à les gens pas super homonymes ! Je ne compte pas les propositions de prénoms qui se sont soldées en « ah nan j’en ai connu un en Colo, c’était un con » chez nous 😂
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Quand à la pseudo signification des prénoms, ça m’a toujours interpellée et fait rire ! Je me demande comment c’est construit : différents livres ont souvent le même avis donc il doit y avoir une base de fondement mais je n’ai jamais trouvé laquelle ! Personnellement j’aime m’intéresser au sens étymologique du mot juste pour m’assurer que ça n’a pas un sens ridicule mais je m’arrête là et je ne crois pas vraiment aux analyses de caractères
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Super intéressant ! Je vais de ce pas aller voir le travail de Baptiste Coulmont 🙂
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Merci, ça me rassure que d’autres gens soient intéressé(e)s par mes lubies bizarre 😀
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