Nous avons beau (vouloir) donner l’éducation la plus égalitaire possible à notre fils, hélas ça ne suffit pas : nous ne sommes pas infaillible ; il va chez la nounou et au relai ; il voit régulièrement nos proches, et des gens moins proche ; il entend ce qui se dit autour de lui, et surtout il observe ce qui ne se dit pas.
C’est donc comme ça que, malgré tous mes efforts, mon fils m’a trahit au plus profond de mon être en me soutenant mordicus que « Moi, j’ai une voiture sur mon manteau parce que les voitures c’est pour les garçons. »
J’ai essayé de lui expliquer qu’il avait une voiture sur son manteau parce qu’il aimait les voitures. Il y a des garçons qui aiment les voitures, et des filles qui aiment les voitures aussi. Et puis il y a des garçons et des filles qui aiment autre chose : « Tu te souviens de cet enfant au parc, qui avait des dinosaures sur son manteau ? C’est probablement qu’il aime bien les dinosaures ! ». Mais bon, si vous avez déjà eu une conversation avec un enfant de presque 3 ans, vous savez qu’on ne le fait pas changer d’avis si facilement. Sale gosse va !
Le lendemain, le Lardon a eu la même conversation avec son père. On avait pas encore eu le temps d’en parler, mais le Bien Joli Papa a répondu exactement comme moi : « Tu as un manteau avec une voiture parce que tu aimes les voitures ». Il a aussi rappelé au Lardon que quand j’étais petite, j’adorais jouer aux petites voitures et que lui, petit jouait beaucoup aux poupées. Le Lardon n’était toujours pas franchement convaincu…
Pour être honnête, je savais que ça nous pendait au nez. Le Lardon a une passion débordante pour les voitures qui s’alimente toute seule, les voitures étant omniprésentes partout (passion se promener sur les parkings pour regarder CHAQUE voiture). Et très vite, j’ai réalisé que les représentations autour des engins sont très limitées : dans tous nos imagiers par exemple, ce sont des hommes qui conduisent les véhicules. J’essaye de compenser en parlant de conductrice ou de motarde de temps en temps, mais cela ne suffit évidemment pas.
Et puis je dois aussi admettre qu’à la maison, on ne lui donne pas forcément de contre-exemple : s’il est vrai que gamine j’adorais les petites voitures, aujourd’hui je déteste conduire et j’ai du mal à le cacher. Et quand je conduis, je ne brille pas par mes compétences : le Lardon m’a déjà vu mettre le mauvais carburant dans ma voiture, grogner devant un créneau impossible, et surtout que je cède bien volontiers le volant à l’amoureux. Bref, sur ce point là, je me conforme hélas aux stéréotypes. De même qu’il a remarqué que la passion voitures qui traverse les générations de ma famille touchent plutôt les hommes : mon grand-père et mon père notamment.
Alors, à défaut d’apprendre à passer des vitesses (vive les voitures automatiques), je peux en revanche me mettre en recherche de représentations plus féminines autour des véhicules.
Des ressources pour une littérature jeunesse diversifiée
Laissez-moi d’abord vous présenter mes ressources préférées, quand je me lance dans ce genre de missions :
Kaléidoscope est un projet québécois qui recense plus de 225 ouvrages « encourageant les enfants à sortir des idées préconçues et des rôles stéréotypés, favorisant la réflexion, l’émergence de la pensée critique, l’ouverture et la tolérance ». On peut rechercher par thèmes (égalité des sexes, affirmation de soi, diversité corporelle…) ou par tranche d’âge.
Le label Lab-Elle a été decerné à 300 albums « attentifs aux potentiels féminins » par une commission de lecture, entre 2006 et 2010. Dans les ouvrages choisis, les stéréotypes sexistes ont été examinés de très près pour proposer une sélection où les personnages féminins ont des roles actifs et valorisés et où les parents ont des rôles non genrés par exemple. Aujourd’hui, le label (et son site) n’existe hélas plus mais il reste encore le catalogue des livres Lab-Elle au format PDF, c’est toujours ça…
Le groupe Facebook « Ma Bibliothèque Bienveillante (pour Petits Et Grands) » est un annuaire collaboratif riche en titres, qui sont rassemblés dans une centaine de thèmes différents (sommeil, deuil, famille, adoption…). Mais sa force est aussi sa faiblesse : il n’y a pas vraiment de modération (je ne suis pas toujours fan de certains livres proposés par les 2500 membres) ; et la navigation et la recherche sont pour le moins fastidieuses.
Talents Hauts est un éditeur spécialisé en « livres qui bousculent les idées reçues ». Aller faire un tour sur leur catalogue est donc toujours une bonne idée quand on est en recherche de livres luttant contre les stéréotypes (ou qu’on a un cadeau à faire) !
Ainsi, en farfouillant sur ces sites, j’ai vite pu trouver une petite sélection de titres, je vous les présente dans la suite !
Des filles au volant dans la littérature Jeunesse
Car, j’en suis convaincue, il n’existe aucun problème qui ne peut être résolu par un livre 😇. J’en ai sélectionné quatre qui pourraient rappeler à mon petit garçon que les voitures, c’est pour les garçons et pour les filles.
👉 Amélie conduit, d’Olivier Melano
Amélie aime conduire. C’est sa passion et quand elle sera grande, elle sera conductrice. Mais conductrice de quoi? C’est ce que son père voudrait savoir : conductrice d’un train ? d’un avion ? d’un bateau ? ou encore d’un sous-marin ?
👉 Armeline Fourchedrue reine du volant, de Quentin Blake
Armeline reçoit une voiture de la part de son oncle, une toute vieille voiture pas très belle et qui part un peu en lambeaux ! Qu’importe, cela ne l’empêche pas de prendre la tête d’un cortège de bikers, parce que pourquoi pas ! Une histoire originale pleine d’onomatopées (Biding bidong bidang kloung !) et d’humour !
👉 T’es fleur ou t’es chou ?, de Gwendoline Raisson et Clotilde Perrin
Lila aime les poupées et les princesses. Léo aime les voitures et les super-héros. Du coup, ils n’arrivent jamais à se mettre d’accord, et ne jouent pas ensemble. Mais tout change quand Maël débarque… Un bel album qui balaye les frontières entre les genres et rappelle que les jouets sont pour tout le monde. Pour ne rien gâcher, les textes sont en rimes et les illustrations de Clotilde Perrin toujours magnifiques.
👉 Dînette dans le tractopelle, de Christos et Mélanie Grandgirard
Dans le catalogue, les pages roses des jouets de filles sont bien séparées des pages bleues des jouets de garçons. Jusqu’au jour où le catalogue est déchiré et recollé dans le désordre. La poupée Annabelle qui rêvait de jouer au tractopelle rencontre la figurine Grand Jim qui adore la dînette. Garçons et filles partagent enfin leurs jouets et leurs jeux dans un catalogue aux pages violettes. Une histoire charmante et fantaisiste qui dénonce le sexisme dans les catalogues de jouets.
Et des role modèles féminin
Et en attendant de trouver quelques uns de ces livres à la bibliothèque ou chez le bouquiniste, un autre média peut nous permettre de rattraper les choses : nous ne sommes pas tout à fait zéro écrans puisque le Lardon nous demande de temps en temps des vidéos « de voiture de courses ». J’ai alors décidé de lui préparer une petite sélection qui devrait lui plaire.
Bon, au début, j’ai bêtement cherché « voiture de course femme ». C’était une fort mauvaise idée…

Sur Youtube, les stéréotypes ont la vie dure…
Mais en cherchant plus spécifiquement des femmes pilotes, j’ai vite trouvé des noms ! En vrac :
- Michèle Mouton, célèbre pilote de rallye dans les années 1980 (ici, au volant d’une Porsche 911, une des voitures préférée du Lardon, qui a des goûts simples),
- Jutta Kleinschmidt, la première (et seule) femme à avoir remporté le Dakar en 2001,
- Margot Laffite, pilote automobile et animatrice de télévision française,
- Sarah Lezito, pilote de moto française, spécialisée en stunt : cette discipline qui consiste à faire des figures de voltiges sur un moto qui roule (parce que pourquoi pas…) 💪
- Vanina Ickx, pilote automobile belge,
- Leona Chin, pilote automobile malaisienne, qui a une chaîne Youtube
- …
On en a donc regardé quelques vidéos avec le Lardon. Il était par exemple épaté de la conduite de Sarah Lezito sur sa moto (assise sur le volant, debout même en poirier !) (en plus pour une fois que c’est pas de la musique électro en fond…), a aimé ce reportage en 5 parties sur la participation de Vanina Icks à la mythique course de Pike Peaks. Mais ses vidéos préférées semblent celles de Margot Laffite qui essaye des voitures.

Sublime affiche dessinée par Julia Spiers pour les 24h du mans 2018.
Ouf, après avoir été un peu septique que sous ces casques et ces combinaisons se cachaient parfois des femmes, le Lardon voudrait maintenant faire le même métier que Margot : essayer des voitures !
Alors, et chez vous, quels sont les clichés qui se perpétuent à l’insu de votre plein gré ? Avez-vous trouvé un moyen de « corriger le tir » ?
Je suis en pleine lecture de « Tu seras un homme – feministe – mon fils »… et evidemment mon asticot est en plein dans « les garcons/les filles ».
Chez nous quand on lui demande ce qu;il veut boire au petit dejeuner c’est « un café parce que nous les garcons (sous-entendu son pere et lui) on boit du café » (alors que moi je bois du thé…)
On a aussi droit a « nous les garcons on est fort » « nous les garcons on est costaud »… On espere tres fort que la periode va passer te on rappelle que maman aussi est forte (la preuve je porte encore l’asticot qui pese son poids!).
On sent quand meme qu’il y a un questionnement plus profond car son raisonnement c’est « papa et Eliott sont des garcons, maman est une petite fille mais bientot maman aussi sera un garcon » (avec l’air « mais t’en fais pas bientot toi aussi tu vas grandir »).
Sinon pour des representations de femmes qui conduisent des engins, on a un Popi qui est pas mal du tout avec 4 pages d’images de chantier et tous les engins sont vraiment indépendamment conduits par homme et femme. inon « Bonjour Pompier » met en scene une « pompiere »… Mais en effet il faut chercher!
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Héhé, je suis aussi en pleine lecture de ce livre, et c’est surement ce qui m’a donné la motivation de « ne pas laisser passer » cette remarque du Lardon.
Même si je sais qu’il y en aura beaucoup d’autres, et c’est normal : il observe un monde qui est quand même relativement sexiste et stéréotypé, comment ne pas le remarquer !
Merci pour les ressources. Dans le dernier livre sur les pompiers que j’ai lu, la seule femme était celle qui… s’occupait du petit chat coincé dans l’arbre. GRRRRRRRRR !
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merci pour ces partages, je vais aller faire un tour sur ces sites!! Je partage à 200% « il n’existe aucun problème qui ne peut être résolu par un livre » . Un vrai sujet ici aussi, parfois j’entends des réflexions et je me dis aïe aïe aïe… On a un sujet « tracteur », et c’est vrai que j’ai souvent tendance à répondre « demande à papa » qui forcément en conduit tous les jours, mais l’autre jour il m’a dit « mais toi aussi tu peux le conduire t’as des grandes jambes pour les pédales » Gros instant de fiertitude maternelle 😉
Et pardon j’ai ri aux résultats de ta première recherche youtube! Tellement révélateur!
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Heureusement que j’ai fait la recherche Youtube sans lui dans les parages, j’aurais eu l’air fine dans mon exposé sinon tiens 😀
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Merci pour cette nouvelle belle sélection de livres ! Et l’affiche est superbe !
On n’est pas encore tout à fait dans cette période la concernant, mais j’essaie de mon côté de lui faire des compliments sur tous les aspects de sa personne : elle est forte, maline, rigolote… et belle bien sûr. Ce dernier point elle le sait déjà, il lui arrive de se regarder dans la glace en disant « belle moi ! » ou « beaux yeux moi ! » (elle a des yeux très bleus avec un « quartier » sombre en bas, et ça fascine les gens), alors qu’elle n’évoque jamais directement ses autres qualités.
Pour contrer le « masculin qui l’emporte », je veille aussi à utiliser le plus de substantifs féminins possibles pour la désigner. Je l’appelais mon bébé lion, et je suis passée à « ma bébé lionne » par ex. Pas sûre que ça serve à quelque chose, mais sait-on jamais^^
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Oui, j’aime trop l’affiche ! Je l’ai découverte par hasard et j’ai trouvé la coïncidence trop belle ! Je l’ai imprimée en tout petit pour l’afficher à côté du garage du Lardon du coup 😇, en attendant de voir si son illustratrice vend des prints.
Pas facile de déjouer les stéréotypes : j’imagine qu’elle entend plus souvent le « tu es belle » que les autres ?
Quand à tout ces petits gestes et réflexions, ça ne révolutionnera pas le monde mais… mieux vaut essayer que de ne rien faire, n’est-ce pas ?
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Je viens de tomber là-dessus, j’aime bien cette journaliste, les bouquins doivent être intéressants et intelligents aussi
https://www.lisez.com/actualites/sophie-gourion-garcon-ou-fille-il-faut-dire-aux-enfants-que-tout-est-possible/773?fbclid=IwAR3TS3D7yFYSE7PAoi74Apwmk3OMniplySs3fYCRYARHqZG-hJBDJAUh1gA
Il faut vraiment que je me penche sur cette question de livres, si ça se trouve elle a déjà des visions faussées en plus ! Et puis elle aime tellement lire que ce serait dommage de s’en priver pour une aussi bonne cause 😉
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Merci pour toutes ces pistes. Pas faciles en effet de se défaire des stéréotypes. La couleur préférée de Loulou est le rose car il a essentiellement des copines à l’école. Mais il est revenu d’un anniversaire il y a quelques semaines en disant : « le rose, c’est pour les filles. »
Malgré mes efforts pour le convaincre qu’il n’y avait aucune couleur attitrée et que chacun choisissait les couleurs qu’il aimait, il n’a pas eu l’air 100% convaincu … 😦
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Pas facile de les convaincre quand ils ont tellement d’illustration du contraire ! J’avoue que l’école me fait un peu peur pour ça : je sais que sa représentation du monde risque de grandement changer par ce biais…
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Je pense que malgré tout, à un certain âge, les stéréotypes de genre font partie de la construction de l’identité. Je m’explique, mon fils de quatre ans, en 2ème année de maternelle a maintenant plein d’idées reçues (genre les poupées sont pour les filles) qu’on reprend peu à peu. Bien sur ça va avec ce qu’il entend dans la cour mais ça lui permet aussi de s’identifier à son genre (certes en opposition à l’autre). Puisqu’à la maison par exemple, dans la salle de bain, il y a la vasque des filles, la mienne, et celle des garçons, celle de son père. Et ça, il se l’est mis en tête tout seul (je t’assure, je me lave les mains dans les deux éviers).
La ‘pression sociale’ reste pour moi difficile à assumer. Ainsi, je suis contente qu’il regarde la reine des neiges et si mon fils voulait une poupée reine des neige, je lui offrirais. Mais par contre, s’il voulait un tshirt Reine des Neige, je n’assumerai pas de l’envoyer à l’école avec et qu’il risque les moqueries. C’est ma limite à moi .
Tiens et pour les stéréotypes : https://www.huffingtonpost.fr/2017/09/13/cette-maman-a-invente-des-depliants-pour-lutter-contre-les-stereotypes-filles-garcons_a_23207348/
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Oui, je vois totalement ce que tu veux dire quand tu parles de construction. Je fais la même constatation que toi : ils sont à un âge où ils construisent leur image mentale du monde, notamment à partir de non dit ou « d’affirmations » (par exemple l’histoire des deux éviers). Mais justement, quand la construction qu’ils élabore me paraît fausse et préjudiciable, je veux mettre un point d’honneur à montrer que ça n’est pas toujours vrai (dans le cas du lavabo, ça ne me paraît pas trop préjudiciable, mais penser qu’une activité est limitée à la moitié de la population déjà plus :D)
Quand à la pression sociale, oui, c’est une vraie question, à laquelle chaque famille répond différemment je pense… Comment accompagner un enfant qui veut se détacher des stéréotypes de genre tout en le protégeant du monde extérieur ? J’aurais tendance à dire que je laisserai volontiers mon fils aller à l’école avec un tee-shirt Reine des neiges (s’il le demandait) mais la vérité c’est que : je n’ai jamais été confrontée à ce genre de problématique ; et mon fils ne va même pas encore à l’école ; et je suis bien consciente que il y a la théorie mais que dans la pratique, l’inquiétude peut prendre le dessus sur mes valeurs. Bref tout ça pour dire, je ne suis pas sûre de mes limites tant que je n’y ai pas été confrontée !
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( Ah oui, les filles peuvent aimer les voitures : https://mamanrodardeblog.files.wordpress.com/2017/09/depliants-antisexistes-filles1.pdf )
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Oh merci, je connaissais l’existence de ces dépliants, mais j’avais totalement oublié qu’il y en avait un pour les voitures et les filles ! Je ne pense pas assez à cette ressource qui est pourtant si simple et si bien faite !
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