Mon fils de trois ans me tape – partie 2

Je vous racontais la semaine dernière que peu de temps après la naissance du Bourgeon, le Lardon s’est mis à avoir quotidiennement des gestes violents envers nous. L’ambiance devenant franchement électrique à la maison, j’ai décidé de chercher de l’aide dans les livres.

Ma première lecture m’a permis de conclure que… le Lardon vivait mal la naissance de son frère. Super, ça m’avance bien tout ça. Mais après, qu’est-ce qu’on peut faire pour l’aider à vivre ce changement ?

Renouer avec son enfant

Développer le lien parent-enfant par le jeu

Je me suis alors orientée vers un autre de mes livres chouchou : Développer le lien parent-enfant par le jeu, d’Aletha Solter. En effet, de toutes mes lectures et de toutes les théories existantes, la parentalité ludique est celle qui me plait le plus : sortir d’un conflit par le jeu permet à la fois de désamorcer une situation compliquée et de recréer un lien là où les cris ont tendance à accomplir l’inverse.

C’est tout le propos du livre d’Aletha Solter, psychologue spécialiste du développement des enfants, qui s’intéresse à la manière dont les jeux parents-enfants peuvent permettre aux enfants de libérer leurs émotions sans violence, tout en se sentant soutenus par leurs parents.

Ainsi, fatiguée d’une énième crise (« Aïe mon pied bordel !! Pourquoi tu m’écrase exprès satané gosse ??? »), j’ai sorti le livre de ma bibliothèque, ouvert la table des matières et cherché la réponse. Ou une réponse. N’importe quoi. Aidez-moi à ne pas tuer cet enfant.

Tiens entre « Chapitre 5. L’usage d’expressions grossières » et « Chapitre 8. Mentir, tricher et voler », il y a deux chapitres intriguant : « La colère et l’agressivité » suivi de « La rivalité entre membre d’une fratrie ».

Voyons ce qu’Aletha Solter a à dire sur le sujet !

Libérer les tensions

Pour expliquer l’agressivité d’un enfant, Aletha Solter explique que « Quand les enfants cherchent le contact physique mais ressentent en même temps un fort sentiment de colère, les tentatives de rapprochement peuvent inclure un comportement agressif tel que frapper son parent, les bousculer ou leur sauter dessus. ». Tiens tiens, on dirait chez nous ça.

Dans ces cas là, une des solution, Aletha Solter préconise de désamorcer une situation de conflit par le rire via des jeux de renversement de pouvoir : des jeux où le parent paraît faible, impuissant, ignorant, stupide… Ces jeux fournissent alors à l’enfant en colère un exutoire sûr et sain à son agressivité.

Un exemple de ce type de jeu est de se courir après et de se chatouiller. En laissant l’enfant décider quand il se laisse attraper, le pouvoir est chez lui (pour une fois). De plus, en courant et en utilisant nos mains, on est aussi dans un jeu actif qui libère les tensions.

Je décide d’essayer quelques jours plus tard. Je n’ai pas eu à attendre longtemps : plusieurs fois par jour, pour aucune raison apparente, le Lardon s’approchait de moi pour me taper. J’ai testé alors de réagir par le rire « Oh, mais on dirait que ce petit garçon cherche les chatouilles ! Oh oh ! Si je l’attrape, cet enfant va m’entendre, je vais tellement le chatouiller qu’il n’arrivera plus à se libérer ! ». A chaque fois, la situation s’est apaisée en quelques secondes, c’était vraiment impressionnant.

Mais le problème de cette démarche ludique est qu’elle demande beaucoup de disponibilité mentale : il faut arriver à formuler un jeu dans sa tête, et surtout (c’était le plus délicat pour moi à ce moment), avoir envie de « lâcher ». Moi, bien souvent, après m’être fait foncer dedans pour la 4ème fois de la journée par un enfant en pleine vitesse, j’avais plutôt envie de l’étriper (mais comme je suis une adulte responsable et mature, je me contentais m’eloigner pour ne pas vraiment lui faire mal, en bougonnant dans ma barbe « J’en peux plus de ce gosse, sérieux, il me les brise, je vais le foutre dehors ça va être vite vu »).

Combler ses besoins

J’ai fini par comprendre qu’il serait plus simple de proposer des jeux comblant les besoins d’agressivité et de contact du Lardon quand tout va bien, plutôt que pendant une crise. En plus, ça me permettait de résoudre à une de mes inquiétudes : si, chaque fois qu’il me fait mal, je réponds par le jeu, ne va-t-il pas recommencer encore plus souvent ?

Ainsi, j’ai proposé des jeux « agités » au Lardon, des jeux lui permettant de nous frapper, de nous pousser (mais avec notre consentement).

Pendant quelques semaines, nous avons donc beaucoup beaucoup beaucoup joué au jeu des chaussettes (on se chahute jusqu’à réussir à enlever les chaussettes de l’autre) ou à la bataille de coussins.

Ce qui est intéressant aussi dans ces jeux, c’est de laisser l’enfant maître des règles : « Non, c’est QUE MOI qui tape » propose-t-il parfois. Alors, je me laisse taper, sans répondre. Cela lui permet de reprendre le contrôle, le temps d’un jeu (dans une période de sa vie où on lui demande de jouer moins fort, de laisser le bébé, de ceci ou de cela).

(Instant coïncidences de publication : dans la famille de Si Tu Veux Jouer aussi, on aime la bagarre)

Redorer l’image de son enfant

En parallèle de re-créer un lien avec notre fils par le jeu, je me suis attelée à modifier l’image et la perception que nous avions de lui (et qu’il avait donc de lui même).

J’ai donc ressorti ma bible de la communication : Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent, de Adele Faber & Elaine Mazlish (je vous avais déjà dit tout mon amour pour ce livre d’ailleurs).

Parler pour que les tout-petits écoutent

Parler pour que les tout-petits écoutent, de Joanna Faber et Julie King est une « mise à jour » du succès de Faber et Mazlish dont la mission est d’accompagner les parents dans la vie de tous les jours en leur donnant des outils pour communiquer efficacement. Je préfère cette version, plus récente donc plus agréable à lire, et qui s’attarde plus précisément sur les défis liés à l’éducation des moins de 7 ans (par exemple, moins d’outils pour résoudre les conflits liés aux devoirs mais plus sur la continence).

Être le trésor de ses bons coups

J’en avais parlé dans ma revue plus complète : la traduction (québécoise et non pas française) de Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent de Faber & Mazlish est calamiteuse MAIS ça a au moins eu le mérite d’aider à mémoriser cet outil en particulier : « être le trésor des bons coups de son enfant », ou, en français correct, « attacher plus d’importance aux bons comportement de son enfant, qu’aux mauvais ».

Et je me suis tout particulièrement rendue compte de l’importance de ce conseil, quand un soir, j’accompagnais le Lardon vers le sommeil. Alors qu’il était allongé dans son lit (« Super, il dort bientôt, dans 5 minutes, je peux aller me mettre au lit moi aussi et finir mon bouquin »), il s’est relevé soudainement (« Mais quel relou ce gosse ! ») pour me faire un bisous sur le front (« Oooooow ❤ ❤ »). Je lui chuchote alors « J’ai de la chance de t’avoir comme fils, mon cœur » et lui de me répondre « Non t’as pas de chance parce que parfois, je te fais mal avec ma voiture » (« Ooooooh 😭😭 »). Alors, dans la pénombre de la chambre, je lui ai rappelé tout ce qu’il a fait de bien et d’attentionné, ce jour là et les précédents (un paquet !) : j’ai été le coffre à trésor de ses bons coups ce soir là, et je me suis promis d’essayer de l’être encore plus dans les jours qui allaient suivre.

Éviter de le cataloguer

Ce qui m’a fait cogiter sur le sujet des « étiquettes ». Si le Lardon se voit comme un affreux jojo, c’est peut-être parce qu’on le répète trop souvent. Oh, j’ai identifié sans peine comment c’est arrivé :

  • Quand nos amis nous demandent comment ça va depuis la naissance du Bourgeon, nous répondons le plus souvent que le Lardon « est insupportable, il nous tape tout le temps. »
  • Quand, frustrés, nous les apposons nous même : « De toute façon, tu dis non à tout. » « Tu n’arrête pas de me taper. »

Pourtant, je le sais que pour les enfants, une étiquette est une sorte de case, de laquelle on a bien du mal à s’extirper. Ces étiquettes sont si puissantes qu’elles tracent la destinée de nos enfants qui vont agir consciemment et inconsciemment pour les valider. De la même manière, les adultes ont ensuite tendance à interpréter les évènements de manière à ce que l’étiquette soit juste.

Une étiquette donne naissance à des croyances qui s’auto-alimentent. La bonne nouvelle, c’est qu’une fois qu’on en a pris conscience, on peut travailler dessus facilement.

Dans les semaines qui ont suivi, j’ai fait en sorte qu’il m’entende dire des choses positives à son sujet, et j’ai surtout orienté l’attention vers les comportements attendus en utilisant des formulations positives : j’ai arrêté de dire « J’en ai marre que tu m’écrases avec cette voiture » pour dire plutôt, chaque fois que cela arrivait : « Oh, c’est bien, tu t’es arrêté avant d’arriver sur moi » (oui, on en était là…)

Ainsi, au fur et à mesure, nous avons présenté au Lardon une nouvelle image de lui-même plus positive.

Et aujourd’hui ?

Difficile de conclure cet article. Les choses évoluent en continu et effectivement, doucement, on a réussi à trouver un apaisement tous les quatre, un moyen d’exister ensemble sans être « l’enfant qui tape » et « les parents qui se font taper », sans se crier dessus et se faire mal chaque jour. Ça ne s’est pas fait du jour au lendemain évidemment : il nous a fallu du temps pour comprendre ce qui se passait puis pour changer les choses mais aujourd’hui, c’est (la plupart du temps) dernière nous.

Mais je suis réaliste : rien n’est acquis et j’ai vu comme un cercle vicieux de violence et de ressentiment peut facilement se former au sein d’une famille. J’espère que nous saurons en sortir plus rapidement si besoin une prochaine fois… Dans tous les cas, je garde précieusement mes livres sous le coude ❤.

3 réflexions sur “Mon fils de trois ans me tape – partie 2

  1. vegebon dit :

    Merci pour cet article précieux. Je trouve que tu as su analyser la situation et trouver des clés pour t’en sortir avec beaucoup de lucidité, de pragmatisme et sans sortir de tes valeurs. Bravo ! Je garde tout cela en tête, y compris les références de livres.

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  2. pour2graines dit :

    Alors nous on pose les limites c’est interdit c’est mal. La psychomotricienne dit que dans le jeux si l’autre est d’accord on peut un peu taper, chahuter mais dans le jeux. Je fais souvent quand j’arrive des gros câlins, des moments de contact ou de moments partages plutôt que par exemple me lancer dans la cuisine. Au départ je me disais c’est bon j’ai compris comment il fonctionne mais il y a eu de sacrees régressions. C’est pareil je me suis dit on apprend tous là. Ici agressivité si faim, si frustrations donc on veille aux rituels des journées, à anticiper tout in va faire ça et ça puis ça…. Agressivité si peur si jaloux, la plupart du temps je décode. Mon mari est dans le jeux moi non je fais la gendarme et je vise les moments de qualité. Mais le jour où il m’a fait hurler de colère parce que de sa colère il m’a balance le mini chariot des courses dans le talon… Moi aussi j’ai failli péter une durite mais bon je me suis retenue. Je crie beaucoup, beaucoup trop. Il ne tape plus mais il n’écoute rien. C’est moins usant, ça use la voix mais pas le corps. Décider son besoin est sûrement une clef. Moi aussi je valorise les petites choses. Devant les autres avec lui qui entend je ne dis pas que ça a été horrible mais ça a été horrible. je me suis mise en tête de faire un tableau de récompense. Je le suis réconcilié émotionnellement avec lui. On les aide à grandir. Quel defi ! On les aide à avoir un attachement sécure. C’est énorme !
    Même faire passer la colère j’essaie de voir ça positivement. Droit d’être en colère. Tu peux essayer de prendre ton doudou, tu peux souffler etc….

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  3. Gwen dit :

    Oooh dis donc le bel article ! Et je vois que tu as rentabilisé ton aletha solter acheté en double ^^. Taper n’est plus trop un problème en ce moment mais… Je crois qu’il faudra qund2meme que je relise ton billet car à cette heure je pressens que lire ce que toi tu as tiré des mêmes lectures que moi pourrait m’inspirer et me montrer certaines ressources sous un nouvel angle.
    En tous cas bravo pour ces progrès !

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