Quand les livres jeunesses culpabilisent les parents

Disclamer : le brouillon de article a été depuis mon téléphone portable, pendant que je ne m’occupais pas de mes enfants (un m’interpellant sans cesse et l’autre escaladant mes genoux).

 

Parfois, les livres enfants nous font un électrochoc. C’est ce qui m’est arrivée l’autre jour à la bibliothèque. Le Lardon, le Bourgeon et moi étions en train de fouiller plus ou moins délicatement dans les bacs quand le Lardon a voulu que je lui lise une histoire. Ça tombe bien, j’avais déjà une belle petite pile de livres à côté de moi.

Puisque c’est ça je pars

J’avais notamment craqué sur cette couverture pleine de verdure  et l’air malicieux de la héroïne m’a donné envie d’en savoir plus.

👉 Puisque c’est ça, je pars !, de Yvan Pommaux (Ecole des loisirs)

Alors j’ai installé le Lardon sur mes genoux, j’ai posé mon téléphone à côté de moi (entre 2 bacs de livre, je discutais sur mon téléphone avec des ami.es) et j’ai commencé ma lecture.

Nous avons découvert l’histoire de Norma. Elle est au parc avec sa maman et comme tous les enfants, elle a plein de choses à lui dire : « Mamaaaan ! Mamaaaaan ! Maman-maman-maman-maman… » (J’ai super bien fait l’intonation en lisant à voix haute, j’ai un modèle qui me sollicite beaucoup aussi à la maison). Et sa maman elle, est comme toute les mamans : parfois, elle est avec sa fille mais pas totalement avec elle.

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Crédit photo : Sous le feuillage

Finalement, Norma, dépitée du manque d’attention de sa mère obnubilée par son téléphone, décide de partir. Très vite, elle s’enfonce dans un monde imaginaire. L’histoire devient complètement loufoque (je lui ai trouvé un petit côté Ponti, sans queue ni tête) : ça parle de doudou perdu, de tigres, d’amitié, de courage et de peur. A la fin, la maman raccroche son téléphone, et mère et fille se retrouvent. Si vous voulez en savoir plus sur cet album, Sous le feuillage en parle très bien.

Concernant Puisque c’est ça, je pars !, bien que vraiment fan des illustrations, j’avoue ne pas avoir adoré cet album. Moitié à cause du côté loufoque mais surtout parce qu’il m’a vexée. Oui, c’est vrai, parfois les parents portent plus d’attention à leur téléphone qu’à leurs enfants. Et alors, tu vas faire quoi ? Mais quand même, ça m’a fait cogiter. Je me suis demandé s’il existait d’autres livres sur le sujet, comment ils abordaient le sujet et puis même, quelle est leur morale ?

👉 Puisque c’est ça, je pars !, de Yvan Pommaux (Ecole des loisirs)

C’est un livre

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👉 C’est un livre, de Lane Smith

Sur le sujet, j’ai pensé au classique C’est un livre. Paru il y a 10 ans maintenant, cet album met en scène un âne, son ordinateur sous le bras, qui vient s’installer en face d’un singe, absorbé dans la lecture d’un livre.

Qu’est-ce que c’est que ça ?
C’est un livre.

Comment on fait défiler le texte ?
On ne peut pas. Il faut tourner les pages. C’est un livre.

On peut s’en servir pour chatter ?
Non, c’est un livre.

Dans ce dialogue de sourd, livre et nouvelles technologies sont mises en opposition. C’est drôle, plutôt bien fait et ça plait souvent aux enfants maaaais bon, dans notre famille où on lit aussi bien en numérique qu’en papier (et où je suis aussi facilement absorbée par mon téléphone que par un livre), je trouve ce parallèle un peu vieux jeux. Les deux peuvent cohabiter, non ?

Pour le plaisir, je mets quand même la version animée car elle est assez savoureuse :

👉 C’est un livre, de Lane Smith

 

Le doudou de maman

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👉 Le doudou de maman, de Denis Lévy-Soussan et Marjorie Béal

Je suis ensuite tombée sur cet album à la couverture très colorée. Dans cette histoire, une petite fille compare son doudou avec celui de sa maman. « Mais pourquoi maman a-t-elle le droit de câliner son doudou à tout bout de champ ? » « Pourquoi peut-elle l’amener partout, et pas moi ? » « Pourquoi lave-t-elle mon doudou, et pas le sien ? »

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Et puis quand sa maman perd son doudou, c’est la catastrophe ! Sans son téléphone (vous l’aurez compris, c’est le doudou), la maman est complètement perdue.

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La chute de l’histoire, c’est que c’est la petite fille qui l’avait caché, pour apprendre à sa maman « à grandir ».

Je n’ai pas feuilleté personnellement ce titre (mais ce post de Lama Libraire en donne un très bon aperçu) mais honnêtement, je n’y compte pas. Je ne le trouve absolument pas subtil : il s’adresse très clairement plus aux adultes qu’aux enfants ; et si déjà je me sentais culpabilisée par le titre précédent, celui la est pire : « Ma maman se prend pour une grande dame, pourtant, ma maman est une petite fille. » Ça va le paternalisme ? « Dès le réveil, elle attrape son doudou, déposé sur sa table de nuit avant de s’endormir. » Oui bon… touché… « Son doudou est tout froid et dur, le mien est doux et chaud et il sent bon. » Mouiii… C’est un peu de mauvaise foi ça monsieur l’auteur : mon téléphone n’est pas si froid (il surchauffe facilement) et honnêtement, un doudou d’enfant ne sent pas franchement bon…

Alors oui, c’est vrai : Le doudou de maman soulève un vrai problème d’addiction aux nouvelles technologies. Mais la culpabilisation et l’infantilisation n’ont jamais résolu des problèmes…

Next !

👉 Le doudou de maman, de Denis Lévy-Soussan et Marjorie Béal

 

Papa est connecté

Heureusement, il n’y a pas que des mauvaises mères, il y a aussi des mauvais pères ! Et celui là, il est plutôt pas mal dans le genre !

papa-est-connecte.jpg👉 Papa est connecté, de Phillipe Kemetter

«Le pingouin avec l’ordinateur, c’est mon papa.» Ce sont sur ces mots que commence l’histoire de cette famille Pingouin.

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Accro à son ordinateur, ce Papa Pingouin passe beaucoup de temps avec ses amis virtuels, au grand désespoir de sa famille.

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Mais un jour, catastrophe ! Il n’y a plus de réseau ! En partant à la recherche d’une connection, ce papa va se retrouver à la dérive sur un morceau de banquise.

L’album se finit sur une double morale :

  • le Papa est sauvé par un ours, un ami vrai de vrai (et pas un vulgaire ami virtuel) ;
  • de retour à la maison, il décide de surfer (littéralement !) sur son ordinateur : toute la famille s’amuse ensemble en passant un beau moment de qualité !

Cet album m’a un peu plus touchée (je me suis reconnue dans cette maman qui aimerait parfois que son mari lâche son écran) (noté que l’inverse arrive aussi hein) mais mais je suis chagrinée par la mise en opposition des amis virtuels versus les amis réels. Je pense qu’en 2020, on a suffisamment de recul pour savoir que des amitiés fortes peuvent naître sur internet ; pour évoluer vers des rencontres ou pas.

Bref, dans cet album, une diabolisation un peu trop simpliste des écrans à mon goût.

👉 Papa est connecté, de Phillipe Kemetter

 

Regarde, Papa

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👉 Regarde, Papa, d’Eva Montanari

Dans ce livre presque sans texte, on suit un papa complètement accros aux écrans et aveugle à son petit ourson pourtant plein de vie et d’idées pour attirer son attention.

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Petit Ours est pressé de se lever car aujourd’hui c’est jour de fête en ville ! Mais Papa Ours a du travail, il faut encore patienter. Une fois dehors, Petit Ours est émerveillé mais Papa Ours, lui, reste les yeux rivés sur son téléphone… Qu’à cela ne tienne, Petit ours va vivre sa propre aventure.
Une métaphore subtile et intelligente qui nous invite à lever les yeux des écrans et à profiter des beaux instants.

Finalement, le papa lâchera son téléphone pour admirer les frasques secourir son petit.

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Dans cet album, pas de texte pour culpabiliser ou infantiliser le parent «absent», mais des images toutes en poésie pour illustrer des situations parfois absurdes d’un point de vue extérieur.

👉 Regarde, Papa, d’Eva Montanari

 

En conclusion

J’espère que cette petite sélection vous aura plu et aura bien illustré combien un même thème peut être abordé de plusieurs manières. Je crois fermement que les livres jeunesses ne s’adressent pas qu’aux enfants (et ce n’est pas Soline qui va me contredire) et je trouve ça intéressant d’analyser le message qui est derrière.

En attendant, je n’ai pas trouvé le livre parfait sur le sujet des écrans. Mon idéal serait un album bienveillant envers les parents ; un album qui montrerait que oui, parfois le téléphone sert de soupape : il donne au parent un espace moral dans lequel les enfants ne peuvent pas s’immiscer, eux qui sont déjà si présents jour et nuit, dans notre lit, aux toilettes, sur nos genoux, partout, tout le temps.

Cet album idéal n’opposerait pas les écrans à « du temps de qualité avec nos enfants » mais montreraient qu’ils peuvent aussi être un moyen de documenter la vie quotidienne ou encore un lien avec l’extérieur (ô combien nécessaire tant parenter de jeunes enfants peut être isolant).

Et puis dans cet album, j’expliquerais peut être aussi combien les écrans sont conçus pour être addictifs. Plutôt que de culpabiliser le parent, je préfèrerais lui donner des clés pour rompre l’emprise addictive des réseaux sociaux et autres.

Bon, okay, c’est peut être un peu trop de messages à mettre dans un seul livre jeunesse…

 

 

Et vous, connaissez-vous d’autres titres qui abordent cette problématique ? Comment vivez-vous ce phénomène de société ?

Le pays du n’importe quoi

Le pays de n'importe quoi

Ça a commencé le jour où le Lardon a demandé à regarder un dessin animé sitôt sorti du lit.

Ma première réponse fut tout aussi brute que la question « Bah NON, pas au réveil… » (il croit quoi ce gosse, tsais). Et la réaction du Lardon est resté dans le registre du brutal  « Wouiiiiiiiiiiiinh, je veux un dessin animé ».

Voilà un week-end qui commence bien…

J’essaye donc de rattraper le tir, et de faire appel à sa logique : « Mais enfin mon coeur, on ne regarde pas un dessin animé comme ça, il faut se préparer d’abord. Faire le pipi du matin, prendre son petit déjeuner, s’habiller, regarder sur l’horloge s’il est bien l’heure du dessin animé… »

Mais c’est sans compter le Lardon qui passe au volume sonore supérieur (alors qu’on était déjà limite) « WOUIIIIIIIIIIIN je veux un dessin animé MAINTENANT. C’est MAINTENANT que je le veux. MAIN-TE-NANT ».

Bon. Restons calme. Reeeeespirons. Empathie. Montrons de l’empathie.

«
– Ah je comprends, tu as très envie d’en regarder un maintenant !
– OUIIIII MAINTENANT
– Oui, alors c’est très frustrant pour toi de devoir attendre…
– JE VEUX MAINTENAAAAAANT
»

Bon. Ça va pas le faire. Il me faut une autre idée. Ils disent quoi déjà dans les livres ? Ah oui, ludique.

« Maintenant maintenant ? Mais enfin, y a que dans le pays du n’importe quoi qu’on regarde les dessins animés avant le petit déjeuner ! »

Le Lardon continue de se vider de toutes les larmes de son corps mais j’enchaîne « D’ailleurs, je ne t’ai jamais raconté, mais tu sais ce qu’ils font dans le pays du n’importe quoi ? »

Mon curieux de Lardon ne peut pas s’empêcher de s’arrêter de pleurer pour demander « Non, quoi ? » (Faut que j’invente vite !)

« Et ben dans le pays du n’importe quoi (astuce de parent, pour gagner du temps en attendant d’avoir une idée, se répéter), et ben, c’est vraiment n’importe quoi, mais au petit déjeuner, les gens ils mangent… (astuce de parent, pour gagner du temps en attendant de trouver une idée, faire monter le suspense)… des livres ! Tu te rends compte ?? Des livres, avec du papier et tout ? C’est vraiment n’importe quoi ! » 

Le Lardon est d’accord : « Oh bah oui, c’est n’importe quoi ! » 

C’est bon, je le tiens, il pense à autre chose ! C’est là qu’il faut enchaîner ! Je continue de raconter des bêtises « Oui, enfin, je te dis ça mais c’est pas le pire. Dans le pays du n’importe quoi, c’est vraiment n’importe quoi… Ils mettent les culottes sur la tête tu sais. Dans le pays du n’importe quoi, on dort le jour, et on vit la nuit. Et puis dans le pays du n’importe quoi, on marche sur les mains, et pas sur les pieds ! N’importe quoi je te dis ! »

Le Lardon s’esclaffe maintenant : « Papa, tu sais comment ils marchent dans le pays du n’importe quoi ?! Sur la tête ! »

Je surenchéri « D’ailleurs, demande donc à Papa comment ils jouent au foot au pays du n’importe quoi, parce que c’est vraiment n’importe quoi » (astuce de parent, ne pas hésiter à embrigader son conjoint quand on raconte n’importe quoi). Le BienJoliChéri ne se laisse pas démonter « Rhola oui, c’est n’importe quoi ! Et ben figure toi, que dans le pays du n’importe quoi, les terrains de foots, et ben ils sont… en pente ! C’est vraiment n’importe quoi ! » (Hey, bien trouvé mon amoureux !)

Et pendant que l’on continue à raconter des bêtises, la tension redescend et le conflit du dessin animé ne devient plus une lutte qui ne peut avoir qu’un gagnant et qu’un perdant. Parentalité ludique 1 – Mauvaise humeur 0 💪.

 

Et depuis, j’ai souvent réutilisé l’astuce du Pays du n’importe quoi : pour aider à apaiser une frustration, rien de tel que d’imaginer la vie dans ce pays où tout serait permis ! J’ai peut être d’ailleurs un peu trop utilisé cette astuce car le Lardon a fini par me demander où était ce fameux pays du n’importe quoi 😅. J’ai du lui préciser que c’était un pays « pour de faux » mais ouf, la magie n’est pas cassée ☺️.

 

Et chez vous, il ressemblerait à quoi le pays du n’importe quoi ?

Quels dessins animés pour mon enfant ?

Il y a un an, je m’étais renseignée sur les dangers des écrans pour les enfants. Comprendre concrètement les enjeux des écrans sur le développement des tout petits m’a, ironiquement, rendue un peu plus laxiste sur le sujet. Ainsi, depuis quelques mois, plusieurs fois par semaine, le Lardon regarde des vidéos YouTube, mais jamais seul.

Et puis, le troisième trimestre de grossesse (et la fatigue) étant bien là, je me prends parfois à rêver d’une chose : m’affaler sur le canapé et ne rien faire. Alors, j’avoue, la tentation de le coller devant l’écran pendant que je dormirais est très grande. Ainsi, j’aurais un peu la paix non ? Lire la suite

Les écrans sont dangereux pour les enfants, oui mais pourquoi ?

Le premier son que mon fils a entendu en arrivant dans sa nouvelle maison fut le son de la télé. Il avait 5 jours…

À l’époque, la télé tournait un peu plus qu’en général (mauvaises habitudes du congé maternité) mais l’idée que le son des publicités « polluent » ses oreilles m’horrifiait. Alors, assez vite, dès ses premiers mois de vie, j’ai arrêté de regarder la TV et forcé convaincu mon chéri de ne plus l’allumer pendant ses temps d’éveil. Effort que nous maintenons depuis maintenant 2 ans tous les jours jusqu’à 22 heures (oui, on a un couche tard) (mais qui se lève tard aussi 😁). Ceci dit notre effort a grandement été facilité suite à un cambriolage : plus de télé, plus de tentation… !

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